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Ecole en France et Inégalité : Pour une réforme pédagogique.


Ecole en France et Inégalité : Pour une réforme pédagogique.

 

A la lecture du dernier rapport de l’OCDE, celui de 2012,  sur le système éducatif européen et donc traitant des résultats de l’Education Nationale, on serait tenté de se contenter d’une liste à la Prévert de tout les indices montrant que les inégalités se creusent dans notre pays :

– La population des enfants très performants à l’écrit augmente de 4 point et celle des enfants moins performants de 4 points aussi

– Un système ou les classes populaires ont moins de chance de réussir aujourd’hui qu’en 2003

 Mais l’étude de 2012, en s’intéressant principalement au mathématique et aux enfants âgés de 15 ans est moins riche d’enseignement que celle de 2011 sur laquelle j’aimerai que l’on s’arrête un instant.

Cette étude pointait  la maitrise de la langue à la sortie de l’école primaire, c’est-à-dire de l’école qui a pour mission d’offrir l’accès à la culture écrite à l’ensemble de ses élèves. Il apparait clairement qu’un élève qui aurait des failles importantes à ce sujet connaitrait de grandes difficultés à réussir au collège.

 

Pour mémoire : les lacunes des élèves faisant partie des groupes 0 et 1 “rendent impossibles aussi bien un réel parcours scolaire de collège qu’une formation qualifiante”, tandis que la fragilité des acquis des élèves du groupe 2 condamne ces derniers “à une scolarité difficile au collège et à une poursuite d’études incertaine au-delà.”

 Nous voila donc en 2009 avec 13% d’élève pour lesquels un parcours scolaire est impossible, ils n’ont vocation au ne réussir ni au collège, ni dans une formation professionnelle. Ces enfants, âgées d’une dizaine d’année, voit l’ensemble de leur avenir social et professionnel mis en question par leurs résultats scolaires. Des enfants d’une dizaine d’année. La population d’enfants qui devrait connaitre de sérieuses difficultés est en prenant les groupes de 0 à 2, de 39%, 39% d’une classe d’âge dont le niveau à la fin de l’école primaire est tellement faible qu’il ne devrait pas leur permettre d’aller au delà d’un niveau collège.

 

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   Biens sur on peut remettre en cause le caractère par trop prédictif d’une telle étude. Mais les données disponibles sur les résultats en fin de collège tendent à confirmer la répartition des élèves. Le collège apparait dès lors comme un lieu ou les inégalités se creusent. On voit clairement un affaissement des niveaux les plus hauts et une forte augmentation de groupe de 0 à 2 (inclus) : + 7.5%

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Serge Muscat ne dit pas autre chose quand il démontre que la maîtrise du langage, de la syntaxe, la richesse du vocabulaire dépendent indiscutablement du contexte économico-social. .

 

 

On aborde généralement les difficultés de l’EN en observant l’évolution du décrochage scolaire. Or le nombre de ces décrocheurs scolaires est estimé à 7% des élèves. L’étude CEDRE nous impose de mener une politique plus large, une politique à destination des 39% qui à la sortie de l’école primaire n’a déjà que un avenir hypothéqué.

 Il n’y a, à mon sens, pas d’illustration plus claire de ce qu’est l’inégalité du système scolaire français que ces  enfants de 10 ans. C’est pour eux que nous devons refonder l’éducation nationale, c’est pour eux que nous ne pouvons nous contenter de mettre des rustines, des pansements, sur un système qui tend à les laisser de coté.

 Si le processus de Refondation de l’Ecole veut se mettre au service de ce grand tiers d’élèves exclus dès l’enfance d’une possible réussite scolaire, elle doit faire plus que réparer ce qui existait en 2003, parce qu’en 2003 ils n’étaient pas 39% mais 41.5%. Les RASED, les dispositifs d’aide divers n’étaient déjà pas en capacité d’intervenir sur la masse d’élèves en difficultés.  Ce n’est pas une marge que nous devons aider mais une masse et aucune politique publique n’est mise en œuvre réduire cette masse.

Dans son très beau teste, Bernard MONTACLAIR[1] rappel : «  Le contexte de la défense et de l’expansion économique et territoriale de cette période, entre la guerre de 70 et celle de 1914 explique que l’école de Jules Ferry visait surtout, c’est compréhensible, à former des citoyens-soldats.

Les termes militaires ont survécu en pédagogie. Classes, instruction, objectifs, rangs, « être armé pour la vie », « combattre » la paresse etc…. Les instituteurs devaient enseigner « tout ce qu’il n’est pas permis d’ignorer ». Prévalait en 1905 la conception d’une classe homogène, et des savoirs standardisés. L’ « autorité », la discipline, l’obéissance, la répétition, avec le primat de la mémoire, étaient les moyens pédagogiques privilégiés pour que les contenus de savoir, et les compétences utiles à la société, soient transmis sans déformation. Tout écart est une faute qui mérite correction. […] Une méthode de « mise en échec » au cours de laquelle la  mise en défaut  culpabilisante et l’humiliation sont instaurées. La mise en compétition, le classement, les notes (autrefois la croix d’honneur), autant de moteurs, carottes et bâtons, pour faire avancer l’âne et son bonnet. »

L’Education Nationale dont nous héritons, celle de Jules Ferry, celle de Jean Zay, sont des écoles de guerres. Elle a été construite comme des avancées sociales, elle l’a en partie été. Mais les objectifs poursuivit par l’Ecole de Ferry ne peuvent plus être, totalement, ceux de l’école en 2013. Refonder l’école s’est l’inscrire dans les enjeux de notre société actuelle.

 

Le premier de ces enjeux tient à mon sens à la question de lien social. L’Ecole n’a plus pour mission de former de bon soldat mais de former des individus qui admettent et on plaisir à constituer une société. La pédagogie déployé dans nos écoles doit s’attacher à permettre l’émergence d’une solidarité en et hors la classe. Elle doit promouvoir la réussite collective en parallèle avec la réussite personnelle. Une telle pédagogie n’est pas une utopie, c’est celle mis en œuvre par les enseignants de l’éducation nouvelle, les Freinet, les Montessori, par la pédagogie institutionnelle… . Elle a prouvé dans le temps son efficience et doit être intégrer par l’Education Nationale. Cette intégration peut être progressive, mais si nous voulons constituer une société qui n’éclate pas sous le poids des individualités, nous promouvoir la solidarité au cœur de notre système éducatif.

 Le second tient à la réussite du plus grand nombre. Les résultats CEDRE et PISA montrent en définitive que la pédagogie appliquée en France a pour vocation principale de séparer les élites de la masse. Bien sur les principes politiques évoque l’émancipation des masses, la culture pour tous et beaucoup d’enseignants s’attachent à leur travail au nom de ces principes. Mais il est de notre responsabilité d’hommes politiques de donner aux vocations les moyens d’accomplir les missions qu’ils ont choisies. Et ces moyens passent par une refonte importante du système pédagogique mis en place dans l’ensemble de nos école. Il s’agira de construire avec les enseignants un nouveau dispositif pédagogique, de déterminer des étapes, de construire un changement progressif.

 

Mais la réforme des rythmes scolaires et  la scolarisation dès 2 ans n’ont aucun sens sens reforme de fond, sans réforme pédagogique.


[1] Docteur en Psychologie. Ancien fondateur et directeur de l’Action Educative en Milieu Ouvert et de l’Ecole de formation d’Educateurs Spécialisés de Caen-Hérouville