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Pour des établissements d’éducation nouvelle et citoyenne e


Cathy Bousquet, Jacques Ladsous, Sébastien Chinsky

Entre 2009 et 2012 s’est déroulé un séminaire proposé par MP4, le MILH et le CEDIAS sur « Demain, quelles politiques sociales de solidarité ? »  Tous les deux mois, près de 80 personnes ont participé à ce travail collectif. D’abord, il s’est agi d’ouvrir la boite noire et d’examiner la naissance des politiques publiques, la part du droit, celle de l’administration, de l’exécution des missions d’intérêt général, des professions et des usagers ; puis de réfléchir aux conditions d’une reconstruction du faire société, de l’éducation, de la protection de la jeunesse, des opportunités et contraintes européennes et internationales, des ressources 

Au fil des rencontres du séminaire a émergé de plus en plus clairement l’impossibilité de promouvoir des politiques sociales de solidarité sans projet politique incluant notamment l’éducation. L’Éducation nationale recense plus de 280 000 élèves « décrocheurs ».

L’exclusion scolaire, pour l’élève, nait d’un sentiment, le sentiment de ne pas pouvoir trouver sa place dans l’enseignement tel qu’il est dispensé dans l’Éducation nationale, mais plus généralement dans l’ensemble des centres de formation. Ce sentiment est la résultante du parcours d’un individu qui, à un moment ou un autre de sa scolarité, a rencontré une phase de décrochage scolaire. Le décrochage ne doit pas être entendu dans son acceptation habituelle, un enfant qui décroche n’est pas uniquement un élève qui n’a pas obtenu le diplôme minimum auquel il aurait dû prétendre. Le décrochage scolaire est le fait pour un élève de rompre, ponctuellement ou durablement, son lien avec l’établissement scolaire qu’il est censé fréquenter. Ce lien peut être physique (l’élève ne se rend plus sur son lieu de formation) ou cognitif (il est en cours mais n’assimile pas son contenu).

Ces phases de décrochage peuvent autant être des passages brefs, durant lesquels l’enfant ne comprend ni le sens de sa présence en cours, ni le contenu des cours qui lui sont dispensés qu’être de longue durée. Lorsque ces phases sont brèves, ce sont les capacités d’autonomie de l’enfant, sa sécurité affective, la mobilisation de ses parents et de ses proches, voir la mobilisation des « éducateurs »  qui rendent cette brièveté possible. Néanmoins, ces phases de décrochages peuvent s’étaler sur un temps plus important et prendre une plus grande ampleur. Certains élèves plongent complètement lorsque leur est demandé la maîtrise des savoirs de base (écriture, lecture, base du calcul). Certains plongent sans que ni l’investissement de leur proche, ni celui du milieu éducatif ne puisse enrayer la dynamique de rupture qui est alors la leur.

M. Sarkozy pense qu’il faut transformer l’école, nous pensons aussi qu’il faut la refonder. Mais au lieu d’aller dans le sens qu’il propose qui favoriserait la construction d’une élite, nous souhaitons qu’elle redevienne l’école de tous au lieu d’être une machine à exclure. Comment ?

L’école par laquelle nous sommes toutes et tous passéEs ne peut pas être un lieu d’acquisition de connaissances (et de leur mesure) sans un travail en profondeur de socialisation (au sens des apprentissages du vivre ensemble). Cela ne peut pas, ne peut plus être l’affaire d’un seul corps institué ; il ne peut pas être isolé et seul responsable de cette « réussite éducative » demandée, souhaitée.

Imaginons des centres scolaires allant du cours préparatoire à la 3e, animés par des équipes éducatives où se retrouveraient des enseignants, des professionnels du social, des soignants, des psychologues. Au lieu d’avoir l’école et à côté des lieux de récupération de ce que l’école ne supporte plus, nous aurions des lieux collectifs où chacun aurait le pouvoir d’exister, quel que soit son origine, son handicap, son sexe, sa culture première, pouvant progresser à son rythme, selon son potentiel et ses moyens, jusqu’à la fin du cycle scolaire où se présenterait son orientation : lycée et enseignement supérieur, apprentissage et brevets professionnels, travail protégé et accompagné (ce qui était contenu dans les propositions de Langevin et Wallon, issues du Conseil national dela Résistance).

Chaque centre scolaire disposerait de salles de classe toutes accessibles, mais aussi d’un dispensaire, d’une salle de théâtre et de concert, d’un gymnase, d’une salle d’accueil des familles, tous équipements permettant l’acquisition d’une culture générale, en même temps que la satisfaction d’un certain nombre de besoins, liés au corps, aux sens, aux disciplines de l’esprit et surtout l’apprentissage d’une vie

nous ne sommes pas assez riche d’humain pour refuser d’en elever un seul


La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit d’en négliger un seul » proclame l’ordonnance de 1945 organisant la protection de l’enfance. Bien sûr notre pays présente aujourd’hui un taux de natalité qui témoigne de l’efficacité de ses dispositifs d’aide à la parentalité (crèches, écoles et assistantes maternelles). Le principe posé au sortir de la guerre conserve néanmoins tout son mérite.

On ne peut se contenter de créer les conditions d’un accroissement de la population et s’en satisfaire ; la richesse en enfants ne se résume pas à des chiffres. Elle doit être considérée à l’aune des besoins de chaque enfant pour s’épanouir au sein de la collectivité.

Être progressiste consiste à désirer que chaque génération participe à la construction d’une société plus juste. C’est en quelque sorte affirmer qu’il y a un sens à l’histoire. Ainsi chaque génération porte la responsabilité du système éducatif qu’elle lègue à la génération suivante. Cette responsabilité réside autant dans les possibilités que l’on donne aux enfants d’acquérir des connaissances, de la méthode et des savoir-faire que dans les valeurs que nous leur transmettons. Car l’école n’est jamais un lieu « neutre » dans lequel serait dispensé uniquement du savoir. La façon dont nous le faisons est l’expression des valeurs que notre société porte. L’éducation des enfants ne relève donc pas de la seule famille, et l’enfant n’est pas uniquement le produit de sa culture familiale. L’idéologie dominante d’une société porte une responsabilité importante dans la construction identitaire des enfants et de leurs valeurs sociales.

Aujourd’hui, il est plus que temps de redéfinir ces valeurs éducatives républicaines. D’aucuns objecteront que cette simple réévaluation et son application aux enfants est digne d’un fonctionnement totalitaire. Prenons le temps de l’analyse du système actuel. Dès l’école primaire, sans doute avant, le travail est individuel et chaque élève est valorisé à partir d’une réalisation qu’il effectue seul. Les grands pédagogues Freinet et Maria Montessori ont démontré qu’un tel système promeut la réussite individuelle et la compétition entre les individus. L’individualisme et le manque de considération entre les individus sont bien cultivés au cœur de notre système éducatif.

Efforçons-nous à l’inverse de construire dès aujourd’hui un système éducatif dans lequel l’individu ait toute sa place mais où l’entraide et la capacité à collaborer soient valorisées. La solidarité est une valeur souvent familiale qui s’acquiert tout au long de la vie ; nous souhaitons que l’institution joue désormais un rôle moteur dans la promotion des valeurs sociales.

On ne peut en effet s’inquiéter de la délinquance juvénile sans s’interroger sur le projet de société que nous leur promettons et sur sa valeur morale. Car la morale n’est pas qu’une notion veillotte des leçons de nos grands-parents. La morale est l’expression directe des qualités qu’une société attend des membres qui la composent. Il ne s’agit pas de ré-instituer des cours de morale, mais de promouvoir à tout moment dans la vie des élèves les éléments éthiques que nous souhaitons voir se développer. Ce n’est qu’à ce prix que nous construirons une société plus juste.

Nous souhaitons donc construire, pas à pas, un nouveau modèle d’éducation qui ne se contente pas de dépoussiérer les programmes. Nous souhaitons avec l’ensemble des acteurs du champ éducatif et par un procédé démocratique, jeter les bases d’un système éducatif qui porte dans chaque aspect les valeurs d’une république sociale.

Fautes de moyens et de dispositifs adaptés, l’Éducation nationale a mis en place différentes classes de niveau permettant aux élèves en difficulté de ne plus se trouver en échec. Les CLIS et SEGPA répondent à ces objectifs mais bien souvent l’inscription dans la filière SEGPA implique une orientation vers des métiers pénibles. Nous sommes conscients de l’implication des personnels éducatifs pour accompagner au mieux les enfants. Il nous apparaît néanmoins qu’il manque encore des structures dont la visée ne soit pas le maintien de l’enfant dans une filière, mais bien de lui permettre de combler ses lacunes et de réintégrer le cursus classique.

Enfin nous souhaitons que les adolescents qui sortent du système scolaire avec une faible qualification soient accompagnés vers l’insertion par un dispositif plus clair et qui autorise à chaque étape de valider des unités de valeur (UV). Il s’agit de donner du sens à tout instant qu’un jeune passe dans un établissement : d’une part en ayant une vision claire du parcours que nous lui proposons, mais aussi en lui permettant autant que faire se peut de valoriser ses temps de présence.

Si l’accueil proposé aux enfants entre 0 et 6 ans est une spécificité française dont on peut mesurer les effets bénéfiques, on ne peut pour autant se satisfaire d’une situation où plus de la moitié des enfants entre 0 et 3 ans vivant sur notre territoire n’ont accès à aucun mode de garde institutionnel (collectif ou individuel – assistante maternelle). Les études concernant l’accueil des 0 à 3 ans mettent en évidence que les populations les plus défavorisées se trouvent souvent dans l’impossibilité de bénéficier de ces lieux.

Or la crèche, comme l’accueil chez une nourrice agréée, constitue les premières étapes de la socialisation de l’enfant. Priver un enfant de mode de garde extérieur revient donc à le priver d’une ouverture à l’autre. Notre démarche ne vise évidemment pas à imposer un mode de garde quelconque, mais bien à rendre possible cet accueil pour l’ensemble de la population du territoire. Il nous appartient de mettre en place un dispositif qui soit à la hauteur des capacités de nos nouveau-nés.

Il nous paraît indispensable qu’un service public de la petite enfance soit constitué. L’État, en partenariat avec les parents, a un rôle éducatif à jouer auprès de ces enfants en construction. Il s’agit de dessiner les contours d’un système respectueux des parents, de toutes leurs cultures, tout en favorisant l’éveil et la socialisation des enfants qui fréquenteront ensuite les écoles de la république. La prévention de l’exclusion scolaire se joue en amont de la scolarité, dans la pédagogie et les moyens déployés dès l’accueil dans une école.

Les stages de parentalité que les collectivités territoriales ou l’État imposeraient à des parents jugés défaillants pose une nouvelle fois la question du contrôle social coercitif que certains aimerait faire jouer encore davantage à l’État. Devenir parent est une épreuve ; prendre le temps de comprendre son enfant et de construire des réponses, diverses et adaptées, est un défi. Il est évidemment du rôle de l’État de proposer de l’aide à l’individu vivant l’aventure de la parentalité.

De la même manière que la sexualité et la reproduction humaines, l’éducation et son histoire pourraient faire l’objet d’une matière enseignée aux élèves dans le cadre de leur temps de scolarité obligatoire. Il s’agit ici de prévention au sens large. Une histoire non normative de l’éducation et des conceptions construites sur ce sujet serait profitable à tout jeune accueilli dans le système scolaire.

Parceque enseigner ne s’improvise pas


Je me fais l’écho de la pétition en cours pour sauver la formation des professeurs. L’éducation nationale doit se voir garantir l’attribution de professeurs formés. Prendre en charge des classes d’un minimum de 30 élèves avec un soucis de pédagogie et en laissant le moins d’élèves de côtés est un métier, il nécéssite des compétences et une formation de qualité. Faite signer la pétition autour de vous.

100 000 voix pour la formation des enseignants
Action initiée par la Coordination Nationale de la Formation Des Enseignants (CNFDE) et soutenue par les associations de parents et d’étudiants, syndicats d’enseignants, sociétés savantes, organisations professionnelles, élus, personnalités de l’éducation, et par l’Appel des appels.
Le 20 mars, 60 000 personnes avaient soutenu cet appel. L’objectif de 100 000  sera atteint bientôt si nous sommes nombreux à relayer cette initiative. Nous invitons chacun à signer cette pétition sur papier ou en ligne, à la faire signer par ses collègues, amis, parents, voisins, à la diffuser dans ses réseaux.
Papier ou clavier, signez, faites signer !
Non à l’affectation directe à plein temps dans les classes des lauréats des concours sans formation.
Refusons la liquidation de la formation professionnelle des enseignants.
Exigeons l’abandon de cette réforme et de vraies négociations pour une autre réforme.
Refusons le démarrage des épreuves de la prochaine session en septembre 2010.
Exigeons le retour au calendrier habituel : les écrits au printemps 2011, les oraux en juin 2011.