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nous ne sommes pas assez riche d’humain pour refuser d’en elever un seul


La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit d’en négliger un seul » proclame l’ordonnance de 1945 organisant la protection de l’enfance. Bien sûr notre pays présente aujourd’hui un taux de natalité qui témoigne de l’efficacité de ses dispositifs d’aide à la parentalité (crèches, écoles et assistantes maternelles). Le principe posé au sortir de la guerre conserve néanmoins tout son mérite.

On ne peut se contenter de créer les conditions d’un accroissement de la population et s’en satisfaire ; la richesse en enfants ne se résume pas à des chiffres. Elle doit être considérée à l’aune des besoins de chaque enfant pour s’épanouir au sein de la collectivité.

Être progressiste consiste à désirer que chaque génération participe à la construction d’une société plus juste. C’est en quelque sorte affirmer qu’il y a un sens à l’histoire. Ainsi chaque génération porte la responsabilité du système éducatif qu’elle lègue à la génération suivante. Cette responsabilité réside autant dans les possibilités que l’on donne aux enfants d’acquérir des connaissances, de la méthode et des savoir-faire que dans les valeurs que nous leur transmettons. Car l’école n’est jamais un lieu « neutre » dans lequel serait dispensé uniquement du savoir. La façon dont nous le faisons est l’expression des valeurs que notre société porte. L’éducation des enfants ne relève donc pas de la seule famille, et l’enfant n’est pas uniquement le produit de sa culture familiale. L’idéologie dominante d’une société porte une responsabilité importante dans la construction identitaire des enfants et de leurs valeurs sociales.

Aujourd’hui, il est plus que temps de redéfinir ces valeurs éducatives républicaines. D’aucuns objecteront que cette simple réévaluation et son application aux enfants est digne d’un fonctionnement totalitaire. Prenons le temps de l’analyse du système actuel. Dès l’école primaire, sans doute avant, le travail est individuel et chaque élève est valorisé à partir d’une réalisation qu’il effectue seul. Les grands pédagogues Freinet et Maria Montessori ont démontré qu’un tel système promeut la réussite individuelle et la compétition entre les individus. L’individualisme et le manque de considération entre les individus sont bien cultivés au cœur de notre système éducatif.

Efforçons-nous à l’inverse de construire dès aujourd’hui un système éducatif dans lequel l’individu ait toute sa place mais où l’entraide et la capacité à collaborer soient valorisées. La solidarité est une valeur souvent familiale qui s’acquiert tout au long de la vie ; nous souhaitons que l’institution joue désormais un rôle moteur dans la promotion des valeurs sociales.

On ne peut en effet s’inquiéter de la délinquance juvénile sans s’interroger sur le projet de société que nous leur promettons et sur sa valeur morale. Car la morale n’est pas qu’une notion veillotte des leçons de nos grands-parents. La morale est l’expression directe des qualités qu’une société attend des membres qui la composent. Il ne s’agit pas de ré-instituer des cours de morale, mais de promouvoir à tout moment dans la vie des élèves les éléments éthiques que nous souhaitons voir se développer. Ce n’est qu’à ce prix que nous construirons une société plus juste.

Nous souhaitons donc construire, pas à pas, un nouveau modèle d’éducation qui ne se contente pas de dépoussiérer les programmes. Nous souhaitons avec l’ensemble des acteurs du champ éducatif et par un procédé démocratique, jeter les bases d’un système éducatif qui porte dans chaque aspect les valeurs d’une république sociale.

Fautes de moyens et de dispositifs adaptés, l’Éducation nationale a mis en place différentes classes de niveau permettant aux élèves en difficulté de ne plus se trouver en échec. Les CLIS et SEGPA répondent à ces objectifs mais bien souvent l’inscription dans la filière SEGPA implique une orientation vers des métiers pénibles. Nous sommes conscients de l’implication des personnels éducatifs pour accompagner au mieux les enfants. Il nous apparaît néanmoins qu’il manque encore des structures dont la visée ne soit pas le maintien de l’enfant dans une filière, mais bien de lui permettre de combler ses lacunes et de réintégrer le cursus classique.

Enfin nous souhaitons que les adolescents qui sortent du système scolaire avec une faible qualification soient accompagnés vers l’insertion par un dispositif plus clair et qui autorise à chaque étape de valider des unités de valeur (UV). Il s’agit de donner du sens à tout instant qu’un jeune passe dans un établissement : d’une part en ayant une vision claire du parcours que nous lui proposons, mais aussi en lui permettant autant que faire se peut de valoriser ses temps de présence.

Si l’accueil proposé aux enfants entre 0 et 6 ans est une spécificité française dont on peut mesurer les effets bénéfiques, on ne peut pour autant se satisfaire d’une situation où plus de la moitié des enfants entre 0 et 3 ans vivant sur notre territoire n’ont accès à aucun mode de garde institutionnel (collectif ou individuel – assistante maternelle). Les études concernant l’accueil des 0 à 3 ans mettent en évidence que les populations les plus défavorisées se trouvent souvent dans l’impossibilité de bénéficier de ces lieux.

Or la crèche, comme l’accueil chez une nourrice agréée, constitue les premières étapes de la socialisation de l’enfant. Priver un enfant de mode de garde extérieur revient donc à le priver d’une ouverture à l’autre. Notre démarche ne vise évidemment pas à imposer un mode de garde quelconque, mais bien à rendre possible cet accueil pour l’ensemble de la population du territoire. Il nous appartient de mettre en place un dispositif qui soit à la hauteur des capacités de nos nouveau-nés.

Il nous paraît indispensable qu’un service public de la petite enfance soit constitué. L’État, en partenariat avec les parents, a un rôle éducatif à jouer auprès de ces enfants en construction. Il s’agit de dessiner les contours d’un système respectueux des parents, de toutes leurs cultures, tout en favorisant l’éveil et la socialisation des enfants qui fréquenteront ensuite les écoles de la république. La prévention de l’exclusion scolaire se joue en amont de la scolarité, dans la pédagogie et les moyens déployés dès l’accueil dans une école.

Les stages de parentalité que les collectivités territoriales ou l’État imposeraient à des parents jugés défaillants pose une nouvelle fois la question du contrôle social coercitif que certains aimerait faire jouer encore davantage à l’État. Devenir parent est une épreuve ; prendre le temps de comprendre son enfant et de construire des réponses, diverses et adaptées, est un défi. Il est évidemment du rôle de l’État de proposer de l’aide à l’individu vivant l’aventure de la parentalité.

De la même manière que la sexualité et la reproduction humaines, l’éducation et son histoire pourraient faire l’objet d’une matière enseignée aux élèves dans le cadre de leur temps de scolarité obligatoire. Il s’agit ici de prévention au sens large. Une histoire non normative de l’éducation et des conceptions construites sur ce sujet serait profitable à tout jeune accueilli dans le système scolaire.

Surpopulation dans les crèches?


La secrétaire d’Etat à la famille vient de proposer un projet de décret modifiant les règles de fonctionnement des crèches. Il s’agit de « permettre » à ces établissements d’accueillir plus de jeunes (jusqu’à 120%) avec un personnel qui, potentiellement, pourra être moins formé. Mais après tout à t’on besoin d’un bac+4 pour changer des couches ? (Pour reprendre une remarque fort sage de notre président).

La crèche peut être conçu comme un lieu d’accueil prodiguant des soins simples aux enfants : nourriture, hygiène et discipline. Assurer ses tâches rudimentaires ne nécessite ni encadrement particulièrement qualifié ni un encadrement important. Elle peut aussi être conçu comme LE premier lieu de socialisation des enfants, comme un lieu d’éveil, de jeux. La crèche peut être conçu comme un lieu éducatif, comme un lieu d’écoute de l’enfant, de ses besoins psychologiques et matériels.

Dans ses premières années de vie l’enfant construit les bases de son rapport au monde. Il interagit avec les autres enfants avec lesquels il joue, mais aussi avec le monde adulte. Il pose la question de la confiance qu’il peut accorder à l’adulte. Cette confiance est en lien avec la sécurité que lui propose l’adulte référent. Les questions que posent l’enfant sont « suis-je protéger si j’ai un problème avec un autre enfant ? », « Suis-je digne d’attention des adultes dans le groupe ? » Ceci pose la question du comportement qui permet d’obtenir de l’attention. L’enfant peut obtenir cette attention par des pleures, des rires, jeux, dans l’échange avec l’adultes, dans la réalisation d’activités… . Si l’enfant ne peux obtenir de l’attention que lorsque il pleur ou fait des bêtises ses deux comportement seront renforcés. Si l’enfant perçoit que l’adulte n’a pas le temps de se consacrer à lui il risque de considérer qu’il ne compte pas.

La crèche n’est pas un simple lieu de passage. C’est le lieu où nos enfants passent le plus de temps dans la période allant jusqu’à leurs 3 ans. Ils restent à la crèche dans des plages horaires importantes 5 jours par semaines entre 8h, 8h30 et 18h, soit entre 9 et 10 h par jour. Les parents les récupèrent en réalité pour quelques instants de jeux précédent le rituel du soir : bain, repas et coucher.

Quand on parle d’éducation des enfants il est essentiel de garder en tête que finalement nos enfants passent la majorité de leurs temps en dehors de la cellule familiale et ce dès le plus jeune age.

Les structures qui accueillent les enfants ont un coût. On peut estimer que ces structure coûtent cher et, comme madame Morano, chercher des solutions pour limiter leur coût de fonctionnement : moins de personnels pour plus d’enfant, moins de personnels qualifiés pour moins de salaire à payer.

On peut estimer qu’au vue des événements essentiels pour le développement de l’enfant qui se déroule en leur sein, ces structure sont finalement sous doter.

Rappelons nous que notre président est celui qui avait commandé et défendu le Rapport BENISTI[1]. Rapport qui prétendait que les comportements déviants apparaissaient dès la prime enfance et devait être repéré et traiter au plutôt. Il y a un certain manque de cohérence entre la défense de ce rapport et le projet de diminuer les moyens humains dans les crèches et dans les écoles maternelles (frappées comme les autres par la révision globale des politiques publiques et l’objectif de ne conserver qu’un fonctionnaire sur deux). L’incohérence du gouvernement est ici frappante.

L’incohérence est d’autant plus importante quand le même gouvernement menace les parents « démissionnaires » de sanctions. Nous ne pouvons accepter que dans le même temps l’Etat diminue la qualité de la prise en charge de nos enfants par des structures qui dépendent de lui, tout en taxant les parents qui rencontrent des difficultés avec leur enfant d’incompétent de de démissionnaire. Pour que l’Etat soit légitime à porter un jugement sur les parents, il est nécessaire que pour sa part il ne puisse être taxé de mener une politique démissionnaire vis-à-vis de l’enfance et de la petite enfance.

Or ce n’est pas le cas. La diminution des moyens et des personnels dans l’ensemble des lieux éducatifs dont l’état à la responsabilité est une constante.

On ne peut gérer l’ensemble du système éducatif d’un pays comme l’on gère une entreprise. La rentabilité d’un milieu éducatif ne peut se compter au moyen des seuls ratios d’encadrement. La qualité des intervenants et leur nombre est de première importance dans les crèches comme dans tout les lieux d’enseignement.

Si nous acceptons le fait que la crèche est le premier lieu de socialisation pour nos enfants, nous admettons qu’en ce lieu se forme les fondations de ce que sera la relation d’un enfant au monde.

En tant que père d’une petite fille de 2 ans (et quelques mois ce qu’elle ne me pardonnerait pas d’oublier), je suis tributaire de ce que la créche peut proposer à ma fille. La créche est un lieu qui s’impose à moi autant qu’a ma fille. Si je la laisse en confiance le matin c’est parceque je peux croire qu’elle sera bien accueilli, que des professionnelles formés, disponibles et bienveillants seront à ces côtés. Penser que l’un de mes enfants pourraient se retrouver dans un lieu où les enfants sont trop nombreux (par apport aux encadrants et aux locaux), où le personne n’est pas formé (où peu formé), et où elle risque de se voir refuser les soins et l’attention dont elle a besoin m’est insupportable. Et pour autant je sais que c’est le projet de Madame Morano.

Bien sur mes enfants seront confronté à l’école au problème de la surpopulation des classes mais ils l’affronteront d’autant mieux que leur première expérience du collectif aura été bonne. La créche est l’école de l’école, il est temps de revaloriser ce premier lieu d’apprentissage .


[1] Le problème du rapport benisti résidait essentiellement dans la tendance à faire de comportement passager de l’enfant des signes d’une déviance qui interviendra inévitablement dans son futur. Benisti préconisait donc de prendre en charge des enfants pour des comportements dont l’anormalité présente n’était pas évidente au nom de ce que ces enfants pourraient devenir plus tard.