LE 22 mars, les élections régionales seront derrière nous. Il est plus que probable que la quasi-totalité de ces régions soit alors dirigée par un conseil régional représentant l’union de la gauche. Cette victoire annoncée ne doit pas être banalisée. Elle marque une lassitude des citoyens « actifs » d’une politique sarkoziste dont nous sentons durement les effets aujourd’hui. La question du « bouclier sociale’ que les régions comptent opposer au « bouclier fiscal » mis en place illustre la profonde divergence de manière de faire entre la droite et la gauche.
La joie de voir la politique antisociale du gouvernement désavoué ne doit pas nous cacher le problème de fond que connait le monde politique. Depuis 1986 les élections régionales sont « boycottées » par au moins 25% des électeurs, les élections législatives voient leur taux d’abstention tourner entre 21 et 40 % d’abstention depuis 1981. Ce taux d’absentéisme a de plus tendance à grimper année après année. (source: http://fr.wikipedia.org/wiki/Abstention_en_France)
Une société ne peut se dire démocratique sans se poser honnêtement la question de l’abstention. Honnêtement, c’est a dire en dehors de l’analyse portée en période électorale, c’est à dire en dehors toute tentation de récupération politique de ces citoyens qui se maintiennent en dehors des élections. C’est l’ensemble du système qui doit se remettre en cause en commençant par acter qu’il n’est plus en capacité de fédérer réellement les citoyens dans les bureaux de vote.
À l’abstention il est nécessaire d’ajouter ces citoyens qui votent « contre » une formation politique qui porte des projets et des valeurs que ces citoyens rejettent. Il faut ajouter les citoyens qui votent pour faire barrage. Barrage à l’extrême droite, barrage à la politique de casse du service public, barrage à la gauche, barrage au socialisme… . Si ces citoyens-là se déplacent, votent, on ne peut faire l’économie de leur problème et leur problème est la question de la représentativité.
Le système politique que nous avons choisi s’appuie sur cette notion de « représentation » nous déléguons quelques individus dans lesquels nous nous reconnaissons pour qu’ils portent des projets en accord avec des principes dans lesquels nous nous reconnaissons. En admettant que des citoyens usent d’un vote-barrage, nous admettons qu’ils ne se reconnaissent dans aucune formation politique existante. De fait, bien qu’ayant voté pour faire obstacle au pire, ils se retrouvent non représentés dans les instances décisionnaires.
Au confluent de l’abstention et du vote barrage, nous trouvons une cause commune. Le sentiment fort que le monde politique est coupé du monde social. Que nos élus ne connaissent que mal la société et les difficultés que leurs administrés rencontrent.
L’homéostasie du monde politique peut en ce sens être effrayante. En dépit des échecs qu’a rencontrés le P.S lors des élections de 2002, 2004, 2007… malgré la volonté de réforme du parti, il retombe régulièrement sur ses bases. L’absence de figure nouvelle est anecdotique, ce qui l’est moins c’est l’incapacité à se reformer comme force de gauche portant des valeurs alternatives à celle de la société de libre marché capitaliste. Le P.S n’a sans doute pas vocation à être révolutionnaire, il a vocation a être réformiste. La réforme est une arme qui bien maniée peut être un outil aussi efficace (et moins traumatisant) que la révolution. Le P.S doit se poser la question de la répartition des richesses: dans les Échos du 9 avril 2009 paraissait une courbe intitulée « le partage de la valeur ajoutée dans les sociétés non financières ». L’analyse du graphique montre sans ambiguïté que la part de rémunération plonge depuis 1983 alors que celle de la marge continue d’augmenter, 100 milliards d’euros qui en 1983 allaient aux salariés nourrissent aujourd’hui l’augmentation de la marge. 100 milliards d’euros! La gauche ne peut éviter de se poser la question d’un réajustement de la marge par apport aux salaires.
Sarkozy et son gouvernement ne mènent pas une politique qui est plus en lien avec la société dans la quel nous vivons. Malgré les manifestations, la colère des syndicats, le mal-être « visible » des salariés, leur politique de gestion capitaliste ne fléchit pas. Le gouvernement prétend gérer la société comme on gère une entreprise privée. La chasse à la réduction des coûts est lancée: diminution du nombre de fonctionnaires par deux, vente du patrimoine immobilier de l’état, fermeture de tribunaux, casernes et hôpitaux.
Si l’objectif d’un gouvernement est la diminution des coûts, j’entends qu’a minima il applique correctement cette philosophie. La réduction du nombre de fonctionnaires par deux rapportera au mieux et à terme 500 millions par ans à l’état. Le bouclier fiscal a « couté » 578 millions à l’état en 2007. (source: http://fr.wikipedia.org/wiki/Bouclier_fiscal), si on ajoute les différents dégrèvements d’impôts consentis par le gouvernement (ex: baisse de la tva dans la restauration: 2.5 milliards d’euros en estimation basse). On observe que les économies réalisées par le gouvernement ne couvrent pas les nouvelles dépenses.
Nous reparlerons du cout social de la diminution des fonctionnaires par deux: Justice, Education Nationale, Police, Hôpitaux…
Pour conclure ce premier et long billet sur la question de l’abstention et de la représentativité je voulais citer l’économiste Francois Partant:
« Aujourd’hui les électeurs ne votent pas pour les représentants de leur choix, ils ne peuvent voter que par les candidats désignés par les partis. Subtile élection au deuxième degré, qui assure la stabilité de la classe politique. Depuis le début de la Veme République, cette classe se reproduit elle-même sans aucun scrupule. Le chef d’État choisit les hommes qui lui conviennent et les transforme en notables en leur confiant des postes de responsabilité. Puis ces notables se présentent à la députation et sont élus puisqu’ils sont des notables (ou grâce aux manoeuvres qui permettent d’orienter le vote). Les électeurs entérinent les choix de l’État. Mais les représentants du peuple ne représentent en réalité que le pouvoir lui-même. » (que la crise s’aggrave, francois Partant, 1979)
Cette question du « choix » de représentants proposé au peuple par les partis politiques, cette « subtile élection au deuxième degré » dont parle Partant doit être l’un des points de réflexions principaux d’une réforme du monde politique. Si les hommes politiques apparaissent aujourd’hui aussi loin du peuple c’est que le mécanisme de cooptation est utilisé depuis trop longtemps et que ces fils en sont devenus visibles.
Partant poursuit » Il est évident que le contrôle populaire sur cette classe dirigeante est nul. Une délégation de pouvoir donnée tous les 5,6,7 ans… n’est qu’un blanc seing à perpétuité » les évènements s’enchainant (déjà en 1979) la population est « sur abreuvée de faits et de commentaires contradictoires, mais sous informés.. »
Le Mouvement Unitaire Progressiste initié par Robert Hue est une construction politique d’une forme nouvelle qui à pour but d’amener les citoyens privés de voix à être entendu par le monde politique, a accéder aux responsabilités. Loin de posséder toutes les réponses aux questions posées par la crise institutionnelle que nous connaissons, nous travaillons à construire peu à peu un chemin qui permette de sortir de l’ornière. En attendant vos contributions, je vous souhaite la bienvenue sur ce blog.
Sébastien Chinsky